À l’ombre des pics d’Eriste, se cachent des sommets secondaires bien peu connus, de nombreux lacs et de vastes pierriers. Un coin qui ravira les amateurs de solitude.

Date : 2023/09/04
Distance totale Distance et dénivelé indicatifs. Privilégier ces valeurs plutôt que celles de tracedetrail. : 16 km
Dénivelé positif : 1600 m
Temps de montée Pauses classiques incluses (photo, discussion, collation, manips à ski...) au contraire des longues interruptions (sommet, refuge, sieste...) : 4h15 pour le pico del Turmo dont 1h45 pour la pica Sierra.
Temps de descente : 1h15
Conditions et commentaires : beau, mais vent violent et sable en suspension.
Difficultés : pentes raides, petite escalade, lecture.
Accès : piste de San Juan de Plan
Itinéraire Identification nécessaire pour changer de fond de carte. : parcours et profilGPX

Cette sortie a été effectuée dans des conditions particulières puisqu’un voile très épais formé par le sable saharien a limité le panorama aux proches voisins, comme l’attestent les photos. Un vent à décorner les chèvres qui occupaient les flancs d’une des aiguilles de Sen m’a accompagné toute la journée, allant parfois même jusqu’à me déséquilibrer. C’est donc dans cette étrange atmosphère que je suis allé visiter cette zone qui m’intriguait depuis longtemps. Comme je reste ensuite dans le secteur, je prends le temps de parcourir les 10 kilomètres de piste en bon état jusqu’au dispositif anti-érosion. J’économise ainsi pas mal d’efforts d’autant que la portion évitée, que je connais déjà (lien), n’est pas la plus intéressante.

Balisé en jaune et blanc, le chemin de l’ibon del Sen est parfaitement tracé et monte doucement en faisant quelques lacets. Plus haut au niveau d’un verrou, une cascade bien visible précède un laquet puis l’ibon del Sen, tout proche. Ce vaste étang est bien caché sous les aiguilles homonymes. Le voile est tel que le Cotiella est à peine visible. Désormais, il va falloir au revoir à tout sentier et les cairns ne se limiteront qu’aux sommets (et encore…) et à quelques cols. Je traverse une pente d’éboulis sur la droite de l’étang, en laissant un couloir rocheux évident menant au collado de Barbaricia, pour emprunter un autre couloir semblant plus chaotique. Or, contrairement aux apparences, il me permet de rejoindre facilement les banquettes supérieures que je remonte avant de longer le fil jusqu’à un ressaut. Ce dernier est plus facile qu’il n’en avait l’air de loin : quelques pas de II isolés entre des parties de gispet. À noter qu’il aurait été possible de rester sur la banquette inférieure pour rejoindre une brèche juste sous la pica Sierra. De mon côté, après une courte partie herbeuse, les blocs deviennent omniprésents lorsque la crête se redresse. Les violentes rafales de vent me poussent (sic) à passer à l’abri versant O pour longer le fil avec quelques pas de II, parfois un peu exposés selon le cheminement. Je rejoins la brèche à l’aplomb du sommet puis la cime de la pica Sierra, beau balcon vers les austères pics d’Eriste ainsi que l’ibon Chelau (celui à l’O), l’ibon del Sen et le beau vallon des étangs de Barbaricia.

Pour aller au pico del Sen, il faut d’abord rejoindre la brèche entre les deux sommets. Pour cela, j’opte pour une option à l’abri du vent. Je parcours vingt mètres comme si j’allais suivre la crête des aiguilles del Sen jusqu’à la première brèche. Une courte descente raide en mauvais rocher me permet de rejoindre un terrain facile qu’il suffit de traverser jusqu’au col où l’ibon Chelau sous les pics d’Eriste est enfin visible. D’ici, la solution la plus rapide est de longer l’arête SO du pico del Sen par l’O pour rallier le sommet par une cheminée / pente raide d’éboulis. Néanmoins, ce cheminement n’étant pas visible, le premier ressaut sur la crête m’a incité à descendre de l’autre côté. J’aurais aimé rejoindre le fil qui semblait plus facile ensuite mais j’ai continué à longer la crête en restant le plus proche du socle plus compact. J’ai quand même réussi à m’entailler le côté du mollet avec un bout de granit tranchant comme une lame de rasoir. J’entends encore le bruit de la lente déchirure de la peau. Miam miam. Sans aller jusqu’à la brèche séparant le pico del Sen du pico Eriste Gran, je traverse du terrain à isard jusqu’au sommet. Les Posets ont toujours cette allure caractéristique de cathédrale tandis que le bleu profond de l’ibon de Lenés contraste avec les pierriers qui l’entourent.

De la pica Sierra à la tuca Rechanzás et l'ibon Chelau

De la pica Sierra à la tuca Rechanzás et l’ibon Chelau

Les aiguilles de Sen sont une succession de petits sommets quasiment tous faciles d’accès, à condition de s’éloigner parfois du fil, la traversée étant évaluée à AD-. En suivant l’arête O du pico del Sen, je contourne facilement l’ibon Chelau où le vent forme des vaguelettes s’écrasant bruyamment contre les rives. L’aiguille la plus haute (2784 m) est facilement accessible en longeant le pierrier. Il faut juste mettre les mains pour sortir de la brèche sous la cime. Après avoir long la crête étroite mais facile jusqu’à une autre pointe, je descends versant N pour longer et remonter à la pointe 2757 avant laquelle la crête est bien découpée. Même topo pour rallier l’aiguille à 2712 m puis l’aiguille occidentale sous laquelle un troupeau de chèvres se repose.

Je décide d’aller d’abord visiter la tuca Rechanzas en contournant le contrefort du pico del Turmo par un chaos de blocs parfois instables. Après avoir rejoint l’antécime, une crête quasiment horizontale mène au sommet principal où d’autres lacs sont visibles. En observant tous les vallons autour, je me dis que ce secteur doit être un super terrain de jeu à ski ! Non repérable par là où je suis passé, une vague trace longe la crête versant S, permettant d’aller très rapidement au paso la Mielca. Allez, encore un peu d’efforts pour remonter les 150 mètres de dénivelé faciles jusqu’au pico del Turmo. Belle vue des Posets au pico Barbaricia. Je suis d’abord passé par la tuca Rechanzas car j’espérais suivre la crête S du pico del Turmo, qui n’avait pas l’air si mal depuis les aiguilles del Sen, pour emprunter une croupe jusqu’au laquet sous l’ibon del Sen. Cependant, la vue de la crête depuis la tuca Rechanzas m’en a dissuadé au regard de la succession laborieuse de ressauts, dont certains avec une sale tête. Par conséquent, en suivant la crête vers la collada del Sen, je descends facilement dès la première brèche pour rejoindre le vallon sans passer par le col. Par une alternance de zones herbeuses et de pierriers, je passe à côté d’un petit étang puis descends tranquillement jusqu’au chemin emprunté à la montée.

C’est depuis le port de Sahun que j’écris ces lignes, quelques heures après cette boucle. La voiture tangue sous les coups de boutoir du vent qui ne s’est toujours pas calmé. Lentement, le soleil décline en inondant la vallée de Gistain d’une lumière tamisée par le sable encore présent dans l’atmosphère. Cette ambiance irréelle convient bien à l’idée que je me faisais du port de Sahun : calme et loin de tout.