Longue journée et itinéraire détourné pour visiter ce magnifique couloir qui me faisait de l’oeil depuis ma première visite au refuge Ventosa i Calvell. Un sommet tricéphal sévère à l’ombre de la punta Alta.

Date : 2024/03/24
Distance totale Distance et dénivelé indicatifs. Privilégier ces valeurs plutôt que celles de tracedetrail. : 27 km
Dénivelé positif : 2150 m
Temps de montée Pauses classiques incluses (photo, discussion, collation, manips à ski...) au contraire des longues interruptions (sommet, refuge, sieste...) : 5h45
Temps de descente : 3h
Conditions et commentaires : beau.
Difficultés : long couloir de montée à 40°, jonction chaotique si enneigée entre les sommets et court couloir de descente à 40°.
Accès : pont de Ressec (taxis depuis Arties de juin à septembre)
Itinéraire Identification nécessaire pour changer de fond de carte. : parcours et profilGPX

Depuis la terrasse du refuge Ventosa i Calvell, un jour ensoleillé de mai où nous étions allés au Montardo, je me souviens des instants à observer cette cicatrice verticale rayant le versant nord des pics de Comalespada. Quelques années plus tard, je décide de m’épargner le long trajet en voiture jusqu’au barrage de Cavallers synonyme alors d’une longue journée en montagne pour rejoindre les pics de Comalespada depuis le pont de Ressec, après Arties. Portage nécessaire jusqu’au refuge de la Restanca (2010 m), encore plus triste à l’ombre du petit matin, avant lequel je passe au-dessus d’une petite mer de nuages. Les couteaux sont indispensables pour remonter le goulet précédant le lac deth Cap deth Port. Le versant O/SO des aiguilles de Montardo et du Montardo apparaît et les couloirs sont presque intégralement secs. Malgré quelques zones de léger dégel, le lac se traverse sans problème à ski. Je rencontre un groupe de trois français ayant dormi au refuge la veille et se dirigeant vers le Montardo. Le couloir N du tuc des Monges est tracé et a bien meilleur tête que lors de notre passage avec Julien où nous avions du redescendre de l’autre côté.

Depuis le col d’Oelhacrestada (2475 m, innombrables orthographes possibles), la descente jusqu’au refuge Ventosa i Calvell (2220 m) se déroule dans un cadre somptueux avec de superbes sommets se dévoilant au fur et à mesure : les aiguilles de Travessani, les pics de Comalespada, le massif des Besiberri ainsi que la zone découpée de la punta d’Harlé et du Pa de Sucre, peut-être la plus esthétique. Néanmoins, d’un point de vue ski, c’est laborieux avec de nombreux étangs à traverser/longer et une arrivée légèrement deneigée au refuge. Pour rejoindre la base du couloir, voici d’après moi la meilleure méthode constatée depuis le versant opposé et que je n’ai donc pas suivie : juste avant d’arriver au refuge, un sentier (indiqué sur OpenStreetMap) herbeux permet de rejoindre facilement les rives de l’estany Negre. Pour ma part, je suis descendu au fond du vallon en suivant l’itinéraire classique du col de Contraix avant de me diriger vers la base du couloir.

Pics de Comalespada et son couloir depuis le refuge Ventosa i Calvell

Pics de Comalespada et son couloir depuis le refuge Ventosa i Calvell

Avec plus de 600 mètres de l’étang à la brèche, le couloir N se décompose en 4 parties : une longue pale peu pentue au-dessus de l’étang, un premier rétrécissement (35/40°), une partie plus ouverte potentiellement avalancheuse (40°) et le second rétrécissement (40/45°) entre les raides murailles des pics de Comalespada. Afin de m’économiser une manipulation, comme je n’ai pas les peaux, je passe directement en crampons d’autant plus qu’une vieille trace de conversion en neige dure me facilite la tâche. La personne avait le moral puisque les innombrables conversions se poursuivent jusqu’à l’entrée du second rétrécissement ! Dans la dernière partie du couloir, une croûte de regel où j’ai parfois des difficultés à enfoncer le pied me font aussitôt abandonner une descente à ski. Pour visiter les différents sommets, je suis la description de P.Quéinnec, en montant d’abord à la brèche de droite. C’est un soulagement de sortir enfin au soleil et d’en finir avec cette longue progression car je commençais à accuser le coup.

Le sommet occidental s’atteint en contournant la crête par le S et en posant à peine les mains. Très belle vue avec une ambiance haute-montagne marquée, adoucie par le grand beau temps. Pour la suite, la jonction jusqu’à la brèche oriental est chaotique en crampons et avec des traces de neige sur-chauffée par le soleil : plusieurs pas de II et quelques moments délicats. Je n’ai pas tenté une traversée dans le versant N car la neige était sans consistance sur le haut. Avec le recul, la meilleure solution aurait été de désescalader 25 mètres dans mes traces de montée pour rejoindre la brèche orientale. En posant un peu les mains dans le raide versant S déneigé, le sommet oriental s’atteint facilement. Ouf ! Le retour va être long et je ne m’éternise pas au sommet. Le couloir de la punta Alta est bien tracé et quelques personnes en descendent.

De retour à la brèche oriental, la descente du couloir SE (40° sur 150 mètres) est en bonnes conditions. C’est un plaisir de cavaler enfin à ski ! Après une longue traversée, je rejoins les traces de la voie normale de la Punta Alta. Passage par l’estany de la Roca puis les traces de passage me sont d’une bonne aide pour éviter les petites barres ici et là jusqu’à l’estany Gran de Colieto. Au déversoir, superbe vue vers la punta d’Harlé et du Pa de Sucre qui ne cessent d’aimanter le regard.

Punta d’Harlé, pa de Sucre et Tumeneia

Après m’être embarqué du mauvais côté du torrent, je rejoins le chemin menant au refuge Ventosa i Calvell où je peux de nouveau scruter ce couloir qui me tenait à coeur. Je peux vous assurer qu’un ravitaillement copieux sur la terrasse du refuge face à l’objectif réussi du jour a une saveur particulière. En profitant de cette bonne humeur, le retour au col d’Oelhacrestada est finalement un plaisir surtout que les pentes douces sont indulgentes pour les cuisses qui sont restées dans le couloir. Au refuge, déchaussage pour la dernière fois de la journée. Mettre ses skis et des chaussures sur le sac à la fin d’un itinéraire, c’est un peu comme arriver à la dernière page d’un livre : l’envie que ça se termine mais, parfois, une nostalgie qui plane déjà.