Itinéraire semi-exploratoire à l’ouest du refuge Ángel Orús pour aller découvrir les sommets entourant ce vallon peu fréquenté comparé à l’autoroute des Posets.

Date : 2022/10/05
Distance totale : 16 km
Dénivelé positif : 1800 m
Temps de montée : 5h45 pour la tuca de la Llantia.
Temps de descente : 2h30
Conditions et commentaires : beau.
Difficultés : de tout : pentes raides, petite escalade, passages exposés, lecture…

Que ce soit pour l’accueil ou la nourriture, le refuge Ángel Orús ne semble pas avoir très bonne réputation. Pourtant, aidé peut-être par la faible fréquentation du soir (une dizaine de personnes), j’ai eu le droit à un accueil sympa et le repas fut très copieux, à tel point que j’ai donné ma ration de viande à mes voisins de table. Par contre, les installations sont assez obsolètes et c’est plutôt sale autour du bâtiment. Autre remarque malgré les boules quiès : ne faudrait-il pas réserver des chambres pour les ronfleurs afin qu’ils puissent en profiter entre eux seulement ?

J’arrive au niveau de la station météo au lever du jour. La journée démarre fort car je souhaite aller voir du côté du forcau Bajo pour lequel je n’ai aucune information. Ce sommet était pour moi une forteresse infranchissable, quelle allure depuis l’ibon de Llardaneta. Or, en préparant ces deux jours, les courbes de niveau de la face SE ne m’ont pas paru inaccessibles. Cette impression a été confirmée la veille depuis le secteur de Chinebro où la forcau Bajo était bien visible de profil. Il demeure une grande inconnue et pas des moindres : franchir la zone rocheuse pour accéder au sommet. Au pied de la grande face herbeuse, ça ne donne pas envie ! Pour franchir l’abrupt ressaut du début, j’ai préféré emprunter un couloir à gauche proche de la crête pour rejoindre ensuite les grandes pentes un peu moins raides. Il faut ensuite monter en diagonale en s’efforçant à rester assez proche de la crête SE pour ne pas aller errer au milieu de la face SE. J’ai contourné un piton rocheux par la gauche, qui est d’ailleurs un bon repère à la descente. Peu après ce piton, je vois déjà un peu la partie rocheuse et je ne constate pas d’issue facile. Premier moment de doute en admirant la merveilleuse mer de nuages au sud : est-ce bien raisonnable de continuer ? Cette montée n’est pas difficile mais inconfortable et exposée avec des lignes de fuite herbeuses peu rassurantes. Après une pause, je poursuis la montée jusqu’à une cheminée herbeuse plus raide (il faut poser un peu les mains, j’ai vu après coup qu’elle est bien visible depuis le vallon) où quelques rochers aident bien. Je suis désormais au pied du bastion sommital. Première tentative dans les rochers au-dessus de moi : un pas de III peu exposé puis un autre de II+ raide et davantage exposé. il semble y avoir une sortie à droite mais je préfère redescendre. Je décide d’emprunter une vire permettant de rejoindre la crête E sur un rocher posé caractéristique. La crête E démarre presque du refuge et vient se souder ici au bastion sommital. Une autre vire me permet d’éviter par la droite un petit ressaut rocheux. Après un pas exposé au-dessus des abîmes du versant N, le terrain herbeux plus facile me dépose au pied d’un couloir/dièdre en bon rocher (II) et plus rassurant. Pour terminer, l’étroite crête est facile jusqu’au sommet, il faut à peine poser les mains. Je redescends prudemment au pied de la face par le même itinéraire. Ouf ! Dans l’album à la fin du texte, les photos écrasent la pente.

Direction le grand frère, le forcau Alto, pour lequel je me suis basé sur le récit de Philippe Quéinnec et un topo sur Mendikat. Je remonte le vallon jusqu’à l’aplomb du sommet. Il faut alors remonter la raide pente mêlant gispet et éboulis éprouvants. La pente se redresse progressivement jusqu’au socle rocheux sous le sommet. À cet endroit, longer avec précaution les parois vers l’E pour rejoindre la crête (plusieurs possibilités) où je trouve quelques cairns. Elle ne pose pas de problème jusqu’à la zone sommitale mais demande de poser un peu les mains. J’évoque une zone sommitale car il y a deux voire trois pointes principales qui semblent d’altitude similaire. Vue magnifique vers les Posets et la tuca de Corbets a fière allure. De retour sous le sommet, je descends en diagonale vers l’O jusqu’au fond du vallon pour remonter ensuite vers la colladeta Maja (2843 m) dont la fin est plus raide et demande de poser un peu les mains. Du col, très belle vue vers l’ibon de Llardaneta auquel je tourne le dos pour aller visiter la tuca de Torets. Je longe le versant N puis remonte au mieux, toujours en posant un peu les mains, jusqu’au collet 2944 (quelques cairns à la fin) qui est juste au N de la tuca de Torets. Une crête découpée mais facile arrive ensuite rapidement au sommet. Les Posets sont toujours aussi somptueux et il y a du monde un peu partout : collado de la Forqueta, pic des Pavots, Posets… La crête E est découpée jusqu’à la forcau Alto et ressemble à un aileron dorsal de dinosaure. À l’opposé, les pierriers infernaux des Eriste rappellent de bons souvenirs tandis que la tuca de la Llantia semble inaccessible. La luminosité est bonne et il flotte dans l’air comme un voile d’humidité qui souligne joliment les reliefs.

Vue vers l’Aneto depuis la tuca de Torets

De la colladeta Maja, il serait facile de descendre vers l’ibon de Llardaneta mais je décidé de poursuivre mon périple vers le tuc de Llantia en descendant au mieux sous le sommet pour remonter en écharpe jusqu’à la crête sommitale. D’abord découpée mais facile, elle devient difficile et des cairns incitent à passer versant S. Le cheminement fait un S : une vire facile vers la droite puis un ressaut exposé en II+ puis plus facile jusqu’à la crête principale qu’il faut suivre jusqu’à une antécime. Je laisse mes affaires ici pour faire l’aller-retour au sommet sur la crête très aérienne, dans le style des Crabioules mais en plus court, sur un rocher qui ne m’a pas inspiré, fait de gros blocs dont la tenue sème parfois le doute. Avec d’infîmes précautions, je reviens à mon sac puis dans le terrain plus facile sous le sommet. Prudence, même si le terrain est plus facile sous la crête, la pente est constituée de blocs de granit non stabilisés. Pour rejoindre le tucon Redondo, je rejoins une large terrasse un peu plus bas que je suis facilement (il faut aimer les pierriers) avant de descendre en zigzaguant entre les barres rocheuses (ça passe un peu partout) jusqu’au pied du sommet. Sur la gauche, une raide pente herbeuse s’adoucit progressivement jusqu’à un premier sommet. L’emplacement du tucon Redondo n’étant pas très clair, je suis allé voir également sur le sommet suivant un peu plus, en posant un peu les mains. Belle vue sur la tuca de la Llantia, très charismatique, ainsi que sur les aiguilles la précédant.

Même si je me sens bien physiquement, je ne poursuis pas jusqu’à la tuca Espigantosa, car je n’ai pas cherché d’infos et je n’ai ni envie de réfléchir, ni de pentes herbeuses douteuses. Je descends donc tranquillement au refuge pour un petit ravitaillement. Vous ne pouvez pas vous imaginer quel bonheur fut le reste de la descente : un bon chemin balisé (enfin !), une petite fraîcheur ombragée, des arbres rougeoyants, du silence, pas un chat, et de superbes images en tête. Tous les terrains traversés lors de cette journée sont exigeants, éprouvants et demandent une certaine habitude pour en profiter. La tuca de Torets est le sommet le plus facile et permet de faire une boucle sympa par l’ibon de Llardaneta.