Au fin fond du Couserans, une entaille de 1000 mètres part du cirque de la Plagne jusqu’à la combe de Tartereau : c’est le couloir de Tartereau. Un beau voyage dans les entrailles du Biros.

Date : 2021/04/05
Distance totale : 15 km
Dénivelé positif : 1500 m
Temps de montée : 2h30
Temps de descente : 2h30
Conditions et commentaires : beau.
Difficultés : couloir à 35/40° de moyenne avec ressauts plus raides. Long.

 

Peu après être partis, nous nous mettons d’accord avec Alain sur le fait qu’il n’y aura pas de tentative au sommet cette fois-ci : la course serait trop longue par rapport à nos impératifs. A l’endroit où la piste marque son premier lacet, nous la quittons pour traverser le torrent et suivre une sente à peine visible dans l’herbe. Elle prend la direction de la cascade se situant dans l’axe du couloir. L’enneigement est très faible : si je n’avais pas eu de confirmation des bonnes conditions du couloir, le doute aurait été permis. Quelques cairns sont présents et le chemin s’élève rudement le long de cette cascade après laquelle le début du couloir se dévoile. Nous laissons le chemin menant à la cabane de Sans puis à l’étang de Chichoué pour nous diriger vers la langue de neige (ou plutôt de boulettes) qui vient mourir vers 1600 m. Crampons, gants, piolets et c’est parti. Les boulettes forment un escalier et permettent un échauffement tranquille sur une pente facile (35°). Les boulettes laissent place à de la neige dure dans une pente se redresse ensuite légèrement (40°) avant un premier ressaut (45°) au niveau du sentier en balcon reliant la cabane d’Urets aux mines de Bentaillou. L’endroit est assez humide : est-ce là que de la glace se forme parfois sur une cinquantaine de mètres comme le suggèrent certains topos ? C’est aussi un réceptacle de chutes de pierres : l’une d’elles, de la taille d’un poing, passe entre nous deux et nous ne traînons pas pour rejoindre une terrasse un peu plus haut et prendre quelques photos. Tout se déroule très bien, quel bonheur d’être suspendus sur ces pentes austères et de partager ce moment.

Progressivement, la neige se fait un peu moins ferme, soulageant légèrement nos mollets. Après un second court ressaut, la dernière partie du parcours est visible avec une cascade caractéristique. Il faut continuer dans l’axe du couloir et ne pas prendre une banche à gauche qui semble pouvoir sortir mais qui, après analyse en haut, ne doit pas être si commode. Pour sortir, la pente se redresse régulièrement jusqu’à atteindre 50° degrés environ sur les derniers mètres. Nous débouchons dans la combe de Tartereau, silencieuse et déserte. La montée du couloir s’est très bien passée et contrairement à nos craintes, elle nous a même semblé rapide. C’est vrai qu’une visite au Maubermé aurait été tentante mais nous restons fidèles au programme. D’ailleurs, une variante semble possible pour monter au sommet : un couloir bien visible part de la gauche de la combe pour rejoindre la crête entre le pic de Rouche et le pic de Maubermé. Facile l’été, la crête doit probablement rester abordable en conditions hivernales.

Pour rentrer, nous partons vers le NO sur des pentes douces passant sous les pics de Tartereau et du Comminge. L’arrivée à proximité du port de la Hourquette est jolie avec le massif de la Maladeta, bien visible. Nous sommes en période de crise sanitaire, et les sommets espagnols manquent un peu. La descente à l’étang de Chichoué se déroule sur de belles pentes face au pic de l’Har qui est presque intégralement sec. Une grosse plaque de fond s’est détachée des dalles raides sous le pic de Serre-Haute. La force de ces milliers de tonnes de neige est perceptible. Au niveau des plus grosses accumulations, la hauteur atteint largement les 10 mètres et la coulée atteint quasiment l’étang de Chichoué. Nous plaisantons en imaginant la frayeur d’un campeur à l’étang qui aurait entendu ce fracas sous sa tente… En tout cas, il ne valait mieux pas être dans le coin ! Nous enlevons les crampons et poursuivons la descente. A la fin du chemin en balcon après les mines, le couloir est pile en face : toujours à l’ombre, toujours austère et toujours amusant de se dire que nous y étions quelques heures avant. Vu d’ici, nous devions ressembler à deux minuscules silhouettes perchées sur cette étroite langue neigeuse. L’arrivée à Eylie d’en Haut donne plutôt envie de rester là pour profiter d’une bière et d’un barbecue avant de repartir en montagne le lendemain, que de rentrer pour 4 semaines de confinement…